MAP, une nouvelle classe dans les maladies héréditaires qui prédisposent au cancer colorectal

Dr Sylviane OLSCHWANG, Institut Paoli-Calmettes, INSERM 599, Marseille, Pour le conseil scientifique de l’association HNPCC-France – olschwangs@marseille.fnclcc.fr
La polypose adénomateuse familiale, FAP est une maladie connue depuis longtemps, qui se caractérise par le développement de plusieurs centaines, voire plusieurs milliers de polypes adénomateux sur le colon et le rectum. Les premiers polypes apparaissent généralement autour de la puberté, plutôt dans le colon gauche et sigmoïde. La polypose s’étend ensuite, si bien qu’il est habituellement proposé une intervention chirurgicale à laquelle ne peut se substituer une surveillance endoscopique au long cours, la colectomie seule permettant de supprimer le risque de dégénérescence lorsque la polypose est diffuse. La transmission de cette maladie est autosomique dominante, due à la présence d’une mutation constitutionnelle dans le gène appelé APC (identifié en 1991), qui peut se situer n’importe où sur le gène. L’expression principale d’une telle mutation, à savoir le développement des polypes adénomateux colorectaux, est complète à 40 ans. Cette mutation prédispose, en outre, au développement de polypes dans l’estomac : la polypose fundique glandulokystique, sans risque de dégénérescence, et dans le duodenum, dont la surveillance endoscopique est importante. D’autres manifestations peuvent être décelées, caractéristiques du gène APC, qui sont l’hyperpigmentation de la rétine, CHRPE, et des énostoses, condensations sur les os de la tête sans conséquence pathologique. Plus rarement, il existe un risque de tumeur desmoïde ou d’autres tissus, sans que ces risques néanmoins justifient un dépistage spécifique.
En dehors de cette forme « classique » de polypose adénomateuse rare, il existe une polypose « atténuée » appelée AAPC lorsque elle se limite à la polypose digestive, et plus généralement AFAP, lorsqu’il existe également des manifestations extra-digestives. Cette forme atténuée se caractérise par le développement de polypes adénomateux dénombrables par endoscopie, à un âge plus tardif et plutôt dans le colon droit, qui nécessite rarement le recours à une intervention chirurgicale radicale. Cette forme « atténuée » est due parfois à des mutations du gène APC, situées à des endroits bien particuliers du gène, appelés exons 3, 4 et 9. C’est la forme AAPC, identifiée en 1993. La forme AFAP non exclusivement digestive est due à des mutations à l’autre extrémité du gène APC et a été découverte plus récemment. La présence de manifestations extra-digestives chez une personne ayant une polypose signifie que le gène APC en est à l’origine.
La présence d’une polypose adénomateuse digestive isolée, AAPC, chez une personne adulte signifie que le gène APC peut être responsable, mais pas toujours.
La forme AAPC peut être également (beaucoup plus fréquemment) causée par des mutations d’autres gènes, en particulier MYH, découvert en 2002.
Cette polypose, appelée MAP, est donc une nouvelle catégorie des polyposes adénomateuses « atténuées ». Il apparaît, dans cette polypose MAP, que le risque d’évolution des adénomes colorectaux, même peu nombreux, soit comparable au syndrome HNPCC, et c’est la raison pour laquelle, actuellement, les recommandations de dépistage par coloscopie sont identiques. Le risque de développement de polypes adénomateux dans le duodenum rejoint par contre celui de la polypose adénomateuse « classique », et il est donc proposé d’adjoindre au dépistage par coloscopie, un examen endoscopique de la partie haute du tube digestif, au même rythme. En revanche, il ne semble pas exister de manifestation extra-digestive.
La polypose AAPC, en particulier la polypose MAP, est donc une maladie hybride entre la polypose adénomateuse « classique » et le syndrome HNPCC, mais bien distincte, que les caractéristiques cliniques et biologiques permettent de reconnaître et qui peut aujourd’hui bénéficier d’une prise en charge spécifique.

Sylviane Olschwang – mars 2006