Analyse génétique, mode d’emploi

Dr Jean-Pierre Fricker Consultation Oncogénétique – Centre Paul Strauss – Strasbourg

Une analyse génétique, c’est quoi au juste ? Dans le domaine des prédispositions aux cancers, « l’analyse génétique » consiste à réaliser une analyse de certains gènes bien précis, appelés gènes de prédisposition. Il s’agit d’une analyse d’ADN. Elle utilise des techniques de biologie moléculaire. L’analyse essaye de déceler une modification (mutation) dans la séquence ADN d’un de ces gènes, mutation qui peut expliquer le fonctionnement défectueux du gène, et ainsi un risque plus élevé de développer certains cancers. Dans le contexte de prédisposition familiale du syndrome de Lynch, les mutations sont recherchées dans plusieurs gènes possibles : MLH1, MSH2, MSH6, …. Cette liste n’est pas exhaustive.
C’est pour qui ? Il ne s’agit pas d’analyses courantes ni banales. Elles ne peuvent pas être proposées à tout le le monde. Elles sont proposées à des personnes sélectionnées en fonction de leur histoire familiale et/ou de leur histoire individuelle. Il est souvent nécessaire de disposer de détails précis sur les caractéristiques des cas. En pratique, c’est lors d’une consultation d’oncogénétique que ce travail préparatoire est réalisé.
Faut-il consulter en famille ? Même si l’histoire familiale est importante, et si la démarche peut concerner d’autres personnes de la famille, une consultation d’oncogénétique est d’abord une consultation individuelle. Ce n’est pas une consultation de groupe. Elle doit répondre à des interrogations et à des besoins individuels. Elle n’engage pas la participation de la famille, qui n’est pas tenue par votre démarche, même si celle-ci peut aussi la concerner.
Comment accéder à une consultation d’oncogénétique ? Il existe un réseau de consultations d’oncogénétique qui maille à peu près tout le territoire. Un annuaire régulièrement actualisé est disponible à la Fédération Nationale de Centres de Lutte Contre le Cancer http://www.fnclcc.fr/ aller à : « groupe génétique et cancer » puis à « annuaire » Les consultations sont le plus souvent conseillées par un médecin (spécialiste ou généraliste ). L’intérêt des médecins est encore très inégal, et il n’est pas rare que c’est une demande individuelle qui déclenche la démarche.
Les délais de rendez-vous peuvent être longs, mais il s’agit rarement d’urgence. Même si les familles sont dispersées, l’organisation en réseau national permettra de trouver un correspondant proche qui pourra recevoir les apparentés concernés et intéressés.
Est-ce obligatoire ? Comme toute consultation médicale, une consultation oncogénétique ne doit pas être imposée: elle repose sur la libre adhésion et le consentement des consultants. Si le consultant a des hésitations sur l’intérêt ou l’utilité de cette consultation, il peut consulter pour s’informer. Il pourra à tout moment interrompre sa démarche sans avoir à se justifier.
Qui prescrit l’analyse ? L’analyse génétique est presque toujours prescrite par le médecin oncogénéticien qui a vu la personne en consultation. Il aura recueilli l’histoire individuelle et familale, il aura pu donner les explications nécessaires, répondre à ses questions et décidera si l’analyse est possible et utile. Dans certains cas, il est nécessaire de disposer au préalable de détails précis (compte rendu d’anapathologie) et d’examens complémentaires (phénotype RER, IHC) avant de décider si une analyse est utile. Parfois les dossiers sont examinés en concertation avec d’autres médecins avant de décider quelles analyses sont souhaitables et possibles
A quel type de prélèvement faut-il se soumettre ? L’analyse se fait le plus souvent à partir d’une prise de sang. Le prélèvement est réalisé souvent sur le lieu de consultation. Il peut aussi se faire plus tard, et sous certaines réserves, dans un lieu proche de chez vous. Il ne s’agit pas d’une “simple” prise de sang: le médecin devra recueillir un consentement écrit tout exprès. L’analyse ne peut pas être réalisée à l’insu des personnes.
Où se font les analyses ? Combien coûtent-elles ? Les analyses ne sont réalisées que dans un nombre limité de laboratoires, agréés par le Ministère de la Santé. Selon les analyses à réaliser, les prélèvements peuvent circuler entre plusieurs laboratoires selon leur compétence. En France, les laboratoires autorisés reçoivent un financement du Ministère par l’intermédiaire de l’INCa (Institut National du Cancer). Les analyses ne sont en aucun cas facturées.
Ca dure combien de temps ? Pour une famille “nouvelle”, pour laquelle aucune analyse génétique n’a encore été entreprise, les analyses peuvent durer plusieurs mois, voire plusieurs années, avant d’aboutir à l’identification d’une mutation.
Pourquoi est-ce que c’est si long ? Il s’agit d’analyses qui utilisent des techniques complexes, encore très manuelles. Les gènes à analyser sont souvent multiples et les anomalies recherchées varient d’une famille à l’autre. Par contre, lorsqu’une anomalie a été identifiée dans une famille, cette information simplifie et accélère les analyses ultérieures chez les apparentés. C’est pourquoi il est important de signaler si l’on sait qu’un parent a déjà réalisé un test. Si l’information a bien circulé dans la famille, si l’on connaît précisément l’anomalie à rechercher, un résultat peut être rendu en 4 à 8 semaines
Quel est le but et à qui sert cette analyse ? Décider si l’on souhaite faire des analyses, savoir ou ne pas savoir, est une décision individuelle. Elle n’engage pas les autres membres de la famille. Le secret médical de chaque individu est respecté.
Quelle prise en charge ? Quels examens ? Quelles interventions ? Quelles retombées pour ma famille, mon emploi, mes assurances ? La consultation d’oncogénétique, passage préalable et obligatoire, est le lieu qui permet de poser toutes les questions, y compris sur les retombées possibles d’une analyse génétique envisagée. Un accompagnement psychologique peut être proposé s’il est utile et souhaité.
Un doigt dans un engrenage ? Un délai de réflexion, un refus d’analyse sont des choix possibles, qui sont respectés. A tout moment, un consultant peut modifier son choix, sans avoir à se justifier.

Dr Jean-Pierre Fricker – novembre 2007