Pr Jean-Christophe Saurin Hépatogastroentérologue – Hôpital Ed. Herriot – Lyon
Les tumeurs de l’intestin grêle sont une des manifestations peu fréquentes de la maladie de Lynch. Le risque semble globalement faible, mais existe, et même révèle la maladie parfois chez des personnes qui n’ont jamais présenté d’autre tumeur. Le problème est que cette atteinte ne donne pas de symptômes en général, encore moins que les tumeurs du côlon, en tout cas pas lorsque la tumeur est de petite taille donc accessible à un traitement efficace.
Depuis quelques années, nous disposons d’une technique très confortable et quasiment sans risque pour examiner l’intestin grêle, qui s’appelle la capsule vidéoendoscopique. Cet appareil est remarquable : il s’agit d’une sorte d’appareil photo numérique capable de prendre de 2 à 8 images par seconde et de les envoyer (ondes radio émettant à une fréquence de 433MHz) vers des capteurs cutanés reliés à un boîtier enregistreur.
Cet appareil a été mis au point dans les années 2000 par des ingénieurs israéliens de la société Given Imaging, d’après une idée du gastroentérologue / inventeur anglais Paul Swain. La petite taille de cet appareil (26 X 11 mm pour un poids de 3,7 g – une belle gélule) permet de l’avaler sans difficulté. La seule liaison avec l’extérieur du corps humain est donc représentée par ces ondes radio de très faible intensité (1/10ème de celle d’un téléphone portable, soit de l’ordre du microwatt) qui transportent, sous forme de fichiers numériques, les images prises par la capsule. L’ensemble des images réceptionnées forme un film d’au moins 50 000 images qui pourra être lu ultérieurement par un médecin. La capsule vidéoendoscopique est ingérée, ce qui est extrêmement facile en pratique. Elle ne peut pas être dirigée depuis l’extérieur, et va donc progresser au travers tout l’appareil digestif (de l’œsophage au rectum), sous l’effet des contractions normales de l’intestin.
La commission capsule de la société française d’endoscopie digestive (SFED) a réalisé une étude concernant des patients porteurs d’une mutation du syndrome de Lynch et n’ayant aucun symptôme particulier. En particulier, ces personnes ne présentaient pas d’anémie, ce qui est un signe important pouvant révéler une tumeur de l’intestin grêle.
Ces 36 personnes ont ingéré une capsule vidéoendoscopique, et l’examen s’est déroulé chez tous sans aucun symptôme particulier.
L’examen a permis d’identifier chez 2 patients (5,4 %) des anomalies évoquant 1 polype chez l’un et une tumeur de l’intestin grêle chez l’autre. Les 2 personnes ont été opérées, et les lésions confirmées : 1 adénome (polype bénin) de 1 cm de diamètre, et surtout pour la deuxième un cancer de l’intestin grêle déjà important mais sans doute pris à temps puisque cette personne va parfaitement bien 2 ans après sa chirurgie.
Cette étude nous permet de conclure qu’un examen bien toléré et simple peut permettre de découvrir, à un stade qui permet de guérir, des tumeurs bénignes ou malignes de l’intestin grêle chez des patients Lynch.
Dans ces conditions, il nous parait intéressant de proposer cet examen, évidemment sans aucune obligation, de façon systématique.
Il reste à savoir à quel âge, et avec quelle fréquence. Ceci ne peut être qu’une proposition sans certitude d’efficacité, car seul le suivi des patients permettra de vérifier que cela est efficace. Une proposition raisonnable pourrait être de commencer à 35-40 ans, et de faire l’examen tous les 3 ans environ.
J-Ch Saurin – Février 2008