Dr Catherine DUGAST
Oncologie Médicale – CHU de Rennes
En 1913 le Dr Alfred Scott Whartin décrivait la première famille porteuse d’un syndrome de LYNCH. Cent ans plus tard, la revue Familial Cancer consacre un numéro entier à cette maladie génétique.
C’est dans les années 1895 que la couturière du Dr Alfred Scott Whartin lui confie son inquiétude quant à son risque de cancer car dans sa famille toutes les générations développent des cancers du côlon, de l’estomac ou de l’utérus à un âge jeune. A l’époque le Dr Warthin va émettre l’hypothèse que certains cancers pourraient être liés à un facteur héréditaire qui se transmettrait dans les familles. A partir des années 1970 plusieurs autres familles seront rapportées confirmant ainsi cette hypothèse. En 1990 un meeting consacré aux formes héréditaires de cancers du côlon (sans polypose) va réunir de nombreux médecins et chercheurs.
De cette réunion sortiront les premiers critères diagnostiques de cette maladie : les critères d’Amsterdam de type 1 (la maladie peut être suspectée devant au moins 3 cas de cancers du côlon sur au moins 2 générations, un des cas étant survenu avant 50 ans). Ces critères très restrictifs ne tiennent pas compte des cancers non colorectaux que l’on peut observer dans cette maladie, ni des difficultés diagnostiques dans les petites familles. Ils seront revus en critères de type 2, puis en critères de Bestheda qui intégreront les avancées biologiques faites entre temps. Il faudra véritablement attendre 1992 pour une reconnaissance pleine et entière de cette pathologie grâce aux avancées réalisées à la fois dans la compréhension des particularités biologiques des cancers provoqués par le syndrome de LYNCH mais également, bien sûr, par la découverte des 4(5) gènes impliqués dans cette affection (hMLH1, hMSH2(EPCAM), hMSH6, hPMS2). Ces découvertes vont ouvrir le champ aux chercheurs à de nombreuses études dans des domaines aussi importants que la prévention (aspirine, vaccination…) ou le traitement des cancers.
De nombreuses études sont encore nécessaires pour améliorer la prise en charge de cette maladie. Une des questions qui reste posée porte sur le risque de cancer d’une personne atteinte d’un syndrome de LYNCH, ce risque n’est pas probablement pas le même selon type de population, l’environnement du patient, le gène malade…. Or, il est très important de le définir car c’est de cela que dépendent les recomman-dations de surveillance et de chirurgie qui vont être proposées.
Une étude française ERISCAM publiée en 2011 dans une grande revue médicale (JAMA) a été menée auprès de 537 familles ayant une anomalie sur un des gènes hMLH1, hMSH2 ou hMSH6. Cette étude a permis de montrer que le risque de cancers était assez proche pour les personnes porteuses d’une anomalie sur les gènes hMLH1 ou hMSH2 mais vraisemblablement plus faible quand il s’agissait d’une anomalie sur le gène hMSH6 ; que ce risque pour la femme était au moins aussi important pour les tumeurs gynécologiques (utérus et ovaire) que pour les cancers du côlon ; que le risque de cancers « autres » restait assez faible et que l’âge d’apparition des premiers cancers était plus tardif avec le gène hMSH6. Grâce à cette étude, il a été proposé une prise en charge un peu allégée dans les familles porteuses d’une anomalie sur le gène hMSH6. Toutes ces données demandent cependant confirmation en raison notamment du petit nombre de familles concernées par une anomalie sur le gène hMSH6 (33).
C’est pourquoi un nouveau projet de recherche va se mettre en place :
le projet FR3LyS/OFELy qui aura des objectifs cliniques mais également biologiques. Cette étude s’intéressera pour sa partie clinique aux risques de cancers autres que coliques et gynécologiques, aux risques selon l’anomalie génétique identifiée et à la surveillance proposée aux familles afin de mieux en mesurer l’efficacité. La partie biologique, elle, cherchera à comprendre pourquoi, pour un même gène, les manifestations cliniques peuvent être différentes d’une famille à l’autre en s’intéressant à ce que l’on appelle les gènes modificateurs mais également aux caractéristiques des cancers provoqués par le syndrome de LYNCH (comment répondent-ils aux traitements ? Y a-t-il une différence dans le taux de guérison ?…).
Cette nouvelle étude qui, nous l’espérons, débutera prochainement sera l’occasion de revenir vers vous et vos familles, car c’est grâce à la participation de tous que de nouveaux progrès pourront être réalisés.
Dr Catherine Dugast – Oncogénétique – CHU Rennes