Professeur Fabrice Lécuru, HEGP
Actualisation Mars 2007
Les femmes qui présentent une prédisposition HNPCC ont un risque augmenté de développer un cancer de l’endomètre (corps de l’utérus) ou de l’ovaire. Des données récentes concernant le risque de développer une tumeur gynécologique, l’efficacité du dépistage, et la possibilité de réaliser une chirurgie prophylactique rendent nécessaire l’actualisation du texte proposé par l’Association HNPCC- France.
Le cancer de l’endomètre
L’endomètre est la muqueuse qui tapisse l’intérieur de l’utérus. Elle permet la nidation de l’œuf au début de la grossesse ou est éliminée lors des règles.
Les premières estimations de risque, montraient qu’environ 6 femmes sur 10 présentant un syndrome HNPCC avaient développé un cancer de l’endomètre à l’âge de 70 ans.
L’expertise collective menée par la FNCLCC et l’INSERM (1) ainsi que les travaux de J. CARAYOL avaient réduit ce risque à environ 40%. Une publication scientifique récente montre que pour les deux mutations les plus fréquentes, le risque est situé aux alentours de 30%. Le risque est donc moins élevé que sur les estimations initiales, mais reste très augmenté par rapport à la population générale. La notion d’un dépistage reste donc valable.
Les recommandations internationales proposent depuis plusieurs années la réalisation d’un suivi gynécologique régulier comprenant un examen clinique, une échographie pelvienne et un prélèvement endométrial. Il est recommandé d’effectuer ces tests annuellement à partir de l’âge de 30 ou 35 ans.
L’échographie a été l’examen le plus étudié dans cette indication. Elle permet d’étudier l’épaisseur de l’endomètre, qui est représentative du risque de diagnostiquer une pathologie, qu’elle soit bénigne ou maligne. L’échographie est fiable chez les femmes ménopausées ou non ménopausées qui présentent des saignements anormaux. Dans ce cas un épaississement anormal de l’endomètre impose de faire des explorations complémentaires afin de confirmer la présence d’une pathologie et de la caractériser (polype, fibrome, etc.). Cependant, chez les femmes qui ne présentent pas de saignement, et notamment chez celles qui ne sont pas ménopausées, l’échographie semble avoir des performances moindres. Deux publications évaluant l’efficacité du dépistage du cancer de l’endomètre chez les femmes présentant un syndrome HNPCC, n’ont pas confirmé tous les espoirs. Cependant avant de condamner l’échographie, il faut rappeler qu’aucune étude bien conduite a été publiée à ce jour, et que sa facilité de réalisation, sa bonne tolérance et son innocuité justifient des évaluations complémentaires.
Les « prélèvements endométriaux » des recommandations internationales sont très floues. Il existe en effet de nombreuses façons de prélever l’endomètre avec des performances diagnostiques très variables d’un instrument à l’autre. La méthode qui fait référence aujourd’hui est le prélèvement d’un petit fragment d’endomètre (biopsie) à l’aide d’une pipelle de Cornier. Ce geste est réalisable en consultation, sans anesthésie préalable, dans la majorité des cas. Un article récent vient de montrer que cette technique permettait de dépister des lésions précancéreuses ou des cancers asymptomatiques chez les femmes ayant une prédisposition HNPCC. Même en gardant à l’esprit les limites méthodologiques de ce travail, il paraît logique de proposer un prélèvement endométrial annuel à l’aide d’une pipelle de Cornier en cas de prédisposition HNPCC.
Enfin l’hystéroscopie qui permet de voir directement l’endomètre, ou l’hystérosonographie qui permet de l’observer au cours d’une échgoraphie restent des pistes intéressantes. Ces deux examens devraient être capables de dépister des lésions précancéreuses ou des cancers précoces asymptomatiques, même si cette hypothèse n’est pas encore validée sur le plan scientifique. L’intérêt de l’hystéroscopie diagnostique ou de l’hystérosonographie est d’être facilement réalisable en consultation, et d’être bien tolérée.
Le cancer de l’ovaire
Les ovaires sont les glandes responsables de la synthèse des hormones féminines et de la formation des ovocytes. Ils sont situés de chaque côté de l’utérus. Ils ne peuvent pas être vus directement en dehors d’une intervention chirurgicale. Les seules méthodes d’examen à notre disposition sont l’échographie et le dosage du CA 125.
L’échographie est pratiquée avec le même appareil et de la même façon que pour l’examen de l’endomètre. Elle a pour but de mesurer le volume des ovaires et de rechercher des kystes. Ces gestes n’ont rien de particulier pour tout échographiste entraîné. L’échographie est donc un moyen simple d’observer les ovaires. Cependant son efficacité dans le dépistage des maladies ovariennes est discuté. L’échographie est capable de dépister des cancers ovariens chez des femmes sans symptômes, dont la moitié des cas à des stades précoces. Cependant , quelques études ont montré que le risque de faux négatif (examen jugé normal chez une personne présentant une pathologie ovarienne) n’est pas négligeable. Il faut donc garder à l’esprit les limites de l’examen. Le scanner et l’IRM n’apportent rien dans le dépistage du cancer de l’ovaire, par rapport à l’échographie.
Le CA 125 est un dosage fait sur une prise de sang. Tous les laboratoires de biologie peuvent donner un résultat fiable en quelques jours. Il est souvent élevé dans les cancers de l’ovaire. Cependant, sa valeur en tant que test isolé est faible, car il expose à des risques de faux positif (dosage élevé chez une personne saine) et de faux négatif.
Le dépistage du cancer ovarien repose donc sur la réalisation conjointe d’une échographie pelvienne et d’un dosage du CA 125. L’association des deux tests, réduit les risque d’erreur, mais ne les annule pas. C’est le gynécologue, qui connaissant l’histoire médicale des femmes, leurs symptômes, etc. jugera ou non de la poursuite des examens complémentaires.
D’autres examens sont actuellement à l’étude, mais leur application en routine ne se fera pas avant plusieurs années.
La chirurgie prophylactique
L’ablation « préventive » d’un organe susceptible de développer une tumeur a été proposée depuis longtemps dans diverses prédispositions héréditaires. En ce qui concerne le cancer de l’endomètre dans le syndrome HNPCC, une publication récente montre l’efficacité totale de ce geste (hystérectomie). Cependant les risques et les conséquences de cette intervention doivent être mis en balance avec les bénéfices. En effet pour être totalement efficace, il est indispensable d’enlever le corps de l’utérus, le col mais également les ovaires. Les complications de cette intervention sont limitées dans la population générale, mais le risque augmente de façon très importante chez les patientes qui ont eu préalablement des chirurgies abdominales comme le traitememt d’un cancer colique. D’autre part l’ablation des ovaires chez une femme non ménopausée entraîne des symptômes inconfortables (bouffées de chaleur, sècheresse cutanée vaginale, etc.) qui peuvent altérer la qualité de vie. Surtout les effets à long terme d’une ménopause précoce, sur le risque cardiovasculaire ou l’ostéoporose ne doivent pas être sous-estimés. Les recommandations proposer par l’expertise collective FNCLCC –INSERM restent donc valables.
En résumé
l’échographie pelvienne reste un examen intéressant chez les femmes ayant une prédisposition HNPCC. Elle permet une étude de l’endomètre et des ovaires en une seule fois, avec une accessibilité et un confort suffisants. Elle doit être complétée par une hystéroscopie diagnostique ou une hystérosonographie chaque fois que possible un prélèvement endométrial et un dosage du CA 125.
1- Fédération nationale de Centre de Lutte Contre le Cancer + Institut National de la Santé et de la Recherche MédicaleFabrice Lécuru – Mars 2007